La théorie politique des intellectuels allemands

Le restaurant “Zimmermania” – Cinquième étape de mon tour d’horizon de l’histoire de la démocratie suisse

La radicalisation du discours politique sous les libéraux fut l’oeuvre des intellectuels. Ils étaient notamment dirigés par deux réfugiés allemands : Les frères Snell qui voulaient créer un parti national et démocratiser la Suisse. Ils furent des notables politiciens dans le paysage politique bernois entre 1830 et 1845.

Ludwig et Wilhelm Snell étaient issus de la bourgeoisie instruite de Nassau. Ils avaient tous les deux fait des études. L’aîné Ludwig avait excellé en philosophie, le cadet Wilhelm en droit. Après leurs études, ils s’engagèrent en politique. Ils voulaient abolir le pacte germanique et créer un Etat national allemand. Demander cela à l’époque était synonyme d’alliance avec les Prussiens. On considérait cela comme une sorte de démagogie. Et quiconque était accusé de démagogie pouvait être expulsé du pays.

Wilhelm et Ludwig arrivèrent alors en tant que réfugiés dans les cantons libéraux de la Suisse. Ils s’engagèrent dans le mouvement libéral et dans les universités libérales de la Suisse. Wilhelm fut recteur fondateur de l’université de Berne. Il était professeur de droit public et son frère enseignait la philosophie.

Contrairement aux libéraux suisses qui s’insurgeaient contre les privilèges donnés aux villes dont ils n’étaient pas originaires, les frères Snell ne se voyaient ni comme bâlois, ni comme zurichois ni bernois ! Ce qui les préoccupait c’était la création d’un Etat national. Les rivalités régionales qui divisaient non seulement l’Allemagne mais aussi la Suisse devaient pour eux être dépassées.

Au sommet du part national, on devait mettre des juristes d’obédience nationale. Les frères Snell influencèrent la pensée de toute une génération de juristes. Ils allaient tous chez les frères Snell s’instruire en droit, apprendre à penser politiquement et une fois les études terminées ils allaient travailler dans les tribunaux, dans les médias et dans la politique, pour le bien de la nation.

Le succès de « la jeune école de droit » comme on l’appelait ne trouva pas grâce aux yeux de toute l’opinion. Les indigènes se plaignirent de l’influence étrangère que représentaient les frères Snell. Et la diplomatie allemande les accusa d’agitation et de faire l’apologie de la violence. Ludwig se vit alors obligé de laisser sa chaire et de quitter le canton. Il alla se faire naturaliser dans le canton de Lucerne. Il profita de son éloignement pour s’instruire et pour écrire des oeuvres littéraires. Entre 1839 et 1845 eurent lieu les travaux qui ont mené au manuel de droit public suisse originaire qui était imprégné de l’esprit radical de l’époque.

Les radicaux avaient du succès dans les cantons francophones. Ils purent y déloger l’esprit libéral. Cela éveilla des peurs auprès des fédéralistes notamment chez les cantons catholiques-conservateurs de la Suisse profonde et du sud qui se réunirent au sein d’un “Sonderbund”. A Lucerne, leur chef-lieu, le pape réinstaura la domination des Jésuites, connus comme grands prédicateurs et pédagogues. Les radicaux cherchèrent alors à attaquer Lucerne. Cette tentative de faire la politique par les armes n’allait pas trouver grâce auprès de l’opinion.

Le canton de Berne, libéral, ne voulait rien avoir avec cette attaque hostile à son voisin lucernois. Il nomma les principaux coupables de ce complot : le professeur Wilhelm Snell. Lui aussi fut expulsé à son tour et alla s’installer dans le canton de Bâle campagne.

L’expulsion de Wilhelm Snell stimula les politiciens radicaux. Ils voulurent encore plus se défaire de la domination libérale. Une nouvelle constitution fut étudiée et présentée au public juste avant les élections de 1846. Les radicaux gagnèrent ces élections. Au grand conseil comme dans le gouvernement, ils avaient la majorité.

On ne sait pas exactement où cette constitution fut rédigée. Les professeurs disaient qu’ils l’avaient rédigée chez eux à la maison. Les conservateurs affirmaient qu’elle avait été rédigée dans des restaurants. Les dires populaires tranchèrent : les restaurants étaient les demeures des professeurs ! C’est ainsi que jusqu’à date, le restaurant Zimmermania garde cet honneur d’être le lieu où le radicalisme des intellectuels se transforma en acte politique.

Après la victoire des radicaux en 1846, Berne était le lieu de rencontre de la diète fédérale qui avait prévalu depuis le congrès de Vienne. On se décida alors de dissoudre par la force le “Sonderbund” des cantons catholiques conservateurs.

La guerre reprit en 1847. Encore une fois la guerre civile. Elle fut gagnée par les forces nationalistes. On arriva ainsi à un Etat souverain et unifié en 1848. Celui-ci avait cinq institutions : peuple et Etats, le conseil fédéral, l’assemblée fédéral et le tribunal fédéral.

Dans la prochaine étape de notre visite, je vous montre où ces institutions siégeaient.

Randonneur urbain

(Traduction: Patrick Mbonyinshuti Aebersold)

Le mouvement suisse pour la modernisation du pays

Le Palais d’Erlach – Quatrième étape de mon tour d’horizon de l’histoire de la démocratie suisse

Nous sommes devant le palais d’Erlach. Construit au 18ème siècle en style français, c’est jusqu’à nos jours le plus beau palais dans la ville de Berne. Actuellement, il abrite le siège du gouvernement bernois. Avant, c’était le lieu de réunion du gouvernement national. En 1798, il abritait le commandement français qui occupait Berne.

Le pacte fédéral de 1815, conclu lors du congrès de Vienne, apporta à la Suisse divers changements. Premièrement, la partie romande fut renforcée par le fait que le Valais, Genève et Neuchâtel devirent cantons suisses et le jura rejoignit Berne. Les nouvelles frontières étaient alors garanties par des lois. Deuxièmement, de nouvelles tensions à l’intérieur furent maîtrisées grâce à la neutralisation de la Suisse vers l’extérieur. Troisièmement, la position des cantons fut renforcée. Ils étaient sur le même pied d’égalité et désormais souverains. Ils ne signaient des concordats entre eux que dans des domaines d’intérêt commun. Quatrièmement, au sein des cantons la structure resta comme elle était : les villes principales reprirent leurs privilèges et les élites les dirigèrent de nouveau.

Les changements apportèrent la deuxième révolution à Paris. Louis Philippe, dit Roi citoyen fut porté au trône en 1830 et avec lui la haute bourgeoisie libérale prit le pouvoir. Très vite le courant libéral se propagea en Belgique, Pologne et Italie ainsi qu’en Suisse.

Contrairement à la France, le mouvement libéral suisse n’était pas porté par la haute bourgeoisie. Il ne demandait pas non plus un roi citoyen. Il était plutôt d’un caractère petit bourgeois et visait des changements visibles dans la petite vie de tous les jours. Des avocats dans les villes, des patrons dans les villages, artisans et paysans de tous bord portèrent le mouvement libéral suisse de 1830.

On se battait surtout contre la censure de la presse. On prônait la liberté d’opinion et on réclamait la liberté industrielle et de commerce. On voulait les droits populaires que les Lumières avaient préparés et dont la révolution française avait fait son programme. Maintenant on voulait oublier la restauration et renouveler la politique. C’est le début de la régénération comme terme politique.

Vers la fin de 1830, à Berne comme ailleurs, l’ancien régime céda aux pressions de la population. Le 6 décembre, il demanda qu’on recueille sous forme de pétitions les requêtes des citoyens opprimés et des paysans. On donna au peuple jusqu’à la fin de l’année pour s’exprimer. Un rapport en sortit déjà le 7 janvier. Et le 16 janvier l’heure était arrivée : l’avoyer de la ville de Berne en personne présenta au Grand conseil la requête du patriciat de démissionner du gouvernement vu qu’il n’était plus accepté par le peuple.

Dans l’urgence, un conseil constitutionnel fut demandé. Il devait, sur des fondations libérales, poser les nouvelles bases juridiques du canton de Berne. Une démocratie représentative, basée sur les principes de la division des pouvoirs fut instaurée. A la fin de l’année la révolution pacifique était achevée.

Ces avancées ne sont pas à sous-estimer : pour la première fois le peuple bernois s’était donné une constitution. Aucun roi ne l’avait édictée, aucun avoyer ne l’avait décidée. Aucun militaire ne l’avait enforcée et aucun diplomate ne l’avait négociée. C’était plutôt le peuple lui-même qui s’était enfin mis debout pour l’écrire. Pour la première fois elle avait un caractère contraignant.

La résistance s’animait surtout dans la ville. Ici au palais d’Erlach, des jeunes officiers de l’ancienne garde cachèrent des armes dans la cave. Ici, se tramaient des plans secrets, et ici, était le centre de la contre-révolution, – jusqu’à ce que tout s’envola.

Le mouvement libéral opéra plusieurs changements dans les affaires bernoises. Nous citons ici deux : la constitution des communes et la création des écoles publiques.

En 1831, le canton était encore entièrement ancré dans la tradition des bailliages. Depuis le quatorzième siècle, les patriciens avait pris comme habitude de s’accaparer des districts, de les diriger, de les occuper pour y planter du maïs ou de la vigne pour les ravir de leurs jeunes fils pour en faire des mercenaires. Maintenant c’était fini! La première mesure importante prise contre le pouvoir excessif des baillis était de diviser leurs districts. Dans chaque district on envisagea des communes. Chaque commune devrait fonctionner comme un canton, elles devaient être comme un Etat libre capable de s’organiser. Ça a fonctionné. Le canton de Berne créé en 1831 compte depuis autour de 400 communes issues du plus grand processus de décentralisation de l’histoire bernoise.

Avec les communes se créèrent aussi les écoles populaires. Elles devaient élever la progéniture des libéraux pour en faire des citoyens capables de prendre leurs propres décisions lors des élections et de gérer leurs communes. En 1834 fut aussi créée la haute école bernoise. Elle remplaça l’académie qui avait été établie depuis l’époque de la réforme. Elle formait non seulement les théologiens réformés mais aussi des médecins pour améliorer la santé de la population. Elle formait surtout les juristes, pour la nouvelle administration de l’Etat et pour le tribunal cantonal. C’est justement dans le droit bernois que se répandit le nouvel esprit.

Où son quartier général était, nous le verrons dans la prochaine étape de notre tour d’horizon.

Randonneur urbain

(Traduction: Patrick Mbonyinshuti Aebersold)

La nature a fait votre Etat fédératif

La garde française – Troisième étape de mon tour d’horizon de l’histoire de la démocratie suisse

« La révolution est finie », disait Napoléon Bonaparte en 1799. Après sa victoire sur le front ouest-européen, il ne lui restait de grand ennemi que la Grande Bretagne. C’est en Egypte qu’il chercha à venir définitivement à bout de ses éternels rivaux britanniques. Mais il échoua. Après avoir perdu la bataille maritime, il perdit la bataille terrestre et même ses nerfs. Il quitta ses troupes au proche orient pour intervenir directement à Paris. Le directorat qui l’avait érigé fut destitué pendant ses heures de détresse. Napoléon se déclara premier consul pour dix ans, voire même empereur des français en 1804.

Le début de 1799 fut marqué par l’éclatement de la guerre des coalitions opposant d’un côté les monarchies d’Autriche et de Russie et de l’autre la république française. La Suisse fut tirée vers cette guerre par l’alliance qu’elle avait conclue avec le gouvernement français. Les troupes autrichiennes s’approchèrent à partir du nord est, les russes à partir du sud. Les français purent leur faire face. Le pays était divisé entre l’est et l’ouest. La Suisse centrale, en 1798 militairement contrainte de participer à la république helvétique était particulièrement hostile aux français. Leurs troupes reconquirent tout de même les entrées nord du tunnel du Gothard et menèrent la contre-offensive. Ainsi le ralliement des troupes russes aux autrichiennes échoua.

La guerre européenne sur sol suisse avait déjà cessé en 1800. Elle écrasa la domination des patriotes. Quatre coups d’Etat vinrent sceller leur sort. D’abord régnèrent les républicains modérés, puis commença l’ascension des fédéralistes. A Schwyz on était fermement déterminé à venir à bout du régime helvétique. Les partisans de l’ancien régime organisèrent des assemblées le 1er août 1802. Ils purent compter sur le soutien des monastères exclus, des corporations et des patriciens qui avaient perdu leurs privilèges. C’est ainsi que Napoléon, sous la pression des anglais qui avaient soutenu la révolte, retira ses troupes de la Suisse.

Après éclata la guerre civile, appelée plus tard « stecklikrieg » par les vainqueurs pour la présenter comme inoffensive. La bataille pour la ville de Berne fit rage sur ce pont. En effet, elle fit décisive pour avoir accès au directorat helvétique qui se trouvait plus haut dans la ville. Les paysans avaient pris position en haut sur la colline. Les officiers des patriciens déchus les menaient, eux-mêmes commandés par les agents anglais.

Regardez bien cette maison. C’était la garde française. Croyez-vous vraiment qu’on puisse faire de tels trous dans le mur avec des fourches à foin ? -Non, cela n’est possible qu’avec des canons. Les envahisseurs en ont utilisé pour bombarder la capitale de la république helvétique.

Le gouvernement helvétique capitula devant un peuple remonté et surchauffé. Il signa la capitulation, mais s’assura un paisible retrait vers Lausanne qui était en paix. Berne tomba dans les mains des partisans de l’ancien régime. La guerre ne s’arrêta qu’après deux semaines, entre Morat et Faoug. Le front militaire correspondait à la frontière linguistique en 1802 : la Suisse francophone resta révolutionnaire alors que la Suisse germanophone était réactionnaire.

Napoléon profita pour intervenir de nouveau. Vu la confusion à l’intérieur des frontières, il y amassa de nouveau ses troupes et convoqua une réunion à Paris pour exposer son analyse de la situation aux 70 représentants des camps belligérants. C’est là qu’il prononça sa fameuse phrase : « La nature a fait votre Etat fédératif. Vouloir la vaincre ne peut pas être d’un homme sage ».

Ce qui s’en suivit s’appelle la médiation. Les cantons furent réintroduits comme Etats-membres mais souverains de la république helvétique. Mais cette fois-ci ils avaient les mêmes droits. Les privilèges des faubourgs anciens, des couches favorisées et de la langue allemande furent levés. Le premier consul put ainsi satisfaire les fédéralistes sans toutefois réinstaurer leurs privilèges d’avant la révolution.

L’acte de médiation de Napoléon institua 6 nouveaux cantons à côté des 13 existants et entra en vigueur début 1803. Il changea considérablement le caractère de la Suisse. Des cantons issus de l’esprit révolutionnaire français vinrent s’ajouter aux chef lieux et aux villes patriciennes et corporatives. Ce sont d’abord Vaud, après l’Argovie mais aussi le Tessin, les Grisons, Saint-Gall et la Thurgovie, cantons qui devaient assurer la protection frontalière du pays contre les invasions des voisins monarchistes.

L’acte de médiation prévalut jusqu’en 1813, année de la défaite de l’Empereur des français et de son exil vers Ste Hélène. Après, les troupes autrichiennes occupèrent la république helvétique et préparèrent la restauration des conditions anciennes légitimées par le congrès de Vienne.

Avec son principe de l’égalité, l’acte de médiation de Napoléon fonda le principe du plurilinguisme suisse. C’était une nouveauté en Suisse. Depuis le quinzième siècle, les régions francophones avaient toujours été des territoires soumis. Napoléon institua en 1803 également le premier chancelier fédéral. Il était élu pour une durée indéterminée et devait assister le président du conseil qui changeait toutes les années. Ce système aussi se perpétue de nos jours. Le président du conseiller fédéral est élu pour une année et la chancelière fédérale, la plus haute fonctionnaire de l’Etat, est élue pour une période déterminée.

Le secours de la Suisse par Napoléon marqua une stagnation dans le développement de la démocratie suisse. A partir d’ici ça monte, – et nous aussi on va monter vers le centre ville de Berne. Nous allons escalader un escalier traditionnel en bois qui nous rappelle que la ville d’origine qui avait été fondée en 1191 et qui avait son centre administratif ici à Nydegg était complètement construite en bois.

Randonneur urbain

(Traduction: Patrick Mbonyinshuti Aebersold)

Les valeurs de la révolution française

L’Hôtel de ville du canton de Berne – Deuxième étape de mon tour d’horizon de l’histoire de la démocratie suisse

Nous sommes en 1798. Il est dimanche le 5 mars. Ce soir la ville est en grande agitation. Pour la première fois depuis 500 ans, la ville est occupée par des troupes étrangères. Elle est entre les mains des tenants de la révolution.

A l’hôtel de ville derrière moi, le vendredi encore, la bataille politique avait fait rage dans un sénat plus que divisé. La majorité était pour la capitulation et espérait pouvoir s’arranger avec la France. La minorité conduite par l’avoyer voulait la guerre. Ce dernier répétait qu’on n’avait rien à voir avec la révolution de 1798.

L’avoyer essaya de se battre comme il put. Hélas, sa bataille devant les portes de Berne fut en vain. Les troupes bernoises, peu motivées, succombèrent aux Français en moins d’un jour. L’entrée des troupes étrangères dans la ville en 1789 marqua non seulement la fin de la république bernoise mais aussi la conquête de toute la confédération par le général Schauenburg dans le mois qui a suivi. Le 12 avril de la même année, la nouvelle république helvétique fut proclamée. Sous la menace des baïonnettes françaises, en ville comme à la campagne, dans les régions catholiques comme chez les réformés, en français voire même en allemand, on jura fidélité à la nouvelle constitution qui avait été édictée à Paris.

Ce nouvel ordre trouva un bon accueil surtout en pays de Vaud et dans d’autre territoires soumis qui avait été libérés par les Français. Là-bas, les gens dansaient sous les arbres de la liberté alors qu’à Berne on restait muet et éhonté, là où vous vous tenez, en imaginant que je sois l’arbre de la liberté.

Les Français introduirent de nouvelles institutions selon le principe du directorat de 1795. Le gouvernement helvétique se composait de cinq directeurs. Ils pouvaient nommer des ministres pour accomplir des tâches spéciales. Ils nommaient aussi des préfets qui remplacèrent les anciens maîtres. A l’image de l’assemblée nationale en France, on envisagea la création d’un Grand Conseil sensé représenter la Suisse. La diète qui avait jusqu’ici été la seule organe suisse, fut remplacée par un sénat.

La révolution suisse fut soutenue par les patriotes, nom que se donnaient les partisans de la révolution. Au temps de l’ancien régime, ils s’étaient déjà réunis au sein de clubs pour discuter des idées des lumières et de la révolution. Maintenant que la France exerçait sa domination, les intellectuelles mobilisèrent, surtout dans les villes de province, les couches bourgeoises qui avaient empêché l’ancien régime de gouverner.

Toutefois, la fondation sur laquelle reposait la république était chancelante. Surtout les patriciens, mais aussi les corporations et les communes qui avaient perdu leur influence, se rallièrent aux paysans et attendirent leur chance.

L’impulsion que la république helvétique avait injectée dans l’ancienne confédération ne put durer. L’occupation française pesait lourd et coûtait cher. La croissance économique recula et on ne put s’adapter au nouvel ordre social. Bientôt on en arriva à des coups d’Etat qui conduisirent à une modération de l’esprit révolutionnaire qui avait marqué les premiers jours de la république. Mais même cela n’aida en rien. La fuite des troupes françaises en 1802 laissant la place aux anglais marqua l’effondrement final du régime révolutionnaire sur lui-même. La plupart des institutions créées sous la révolution de 1798 disparurent.

Il en est resté le noyau des idées de la révolution française : liberté, égalité, fraternité ! C’est cette liberté qui allait bientôt se retourner contre les Français mais aussi plus tard contre les autrichiens qui, depuis le congrès de Vienne, dirigeaient les affaires. La quête de la liberté allait conduire à la fondation de la confédération suisse de 1848 qui a subsisté jusqu’à aujourd’hui. Des changements majeurs allaient être apportés par la nouvelle vision de l’égalité, les privilèges liés au lieu d’origine, à la classe, à la confession, à la langue furent vite abolis et en 1971, remplacés par l’égalité des sexes dans tous les domaines politiques. La fraternité remplaça le régime des Gracieux Seigneurs qui ne laissaient que des miettes à leurs sujets. Cette première fut élevée au titre de principe du bien commun que l’Etat doit poursuivre en garantissant la prospérité de chacun.

L’idée des droits humains a aussi profondément pris racine avec 1789. Même si personne n’était sensibilisé à cette idée auparavant, les assujettis, puis les couches bourgeoises et même les paysans lui accordèrent leur soutien. Aujourd’hui en Suisse, il est presqu’impossible de penser qu’un citoyen puisse se distancer des principes des droits de l’homme. Pou aller plus loin, le respect des droits humains fut déclaré comme principe et tâche de l’Etat à l’intérieur comme vers l’extérieur. Cette idée reste la plus grande devise de toute la politique étrangère de la Suisse, au-delà des tendances politiques. Au sein de l’ONU comme dans le Conseil de l’Europe, la Suisse s’investit pour le respect et la propagation des droits de l’homme dans le monde.

Une deuxième idée que les français ont apporté nous intéresse ici particulièrement : les votations populaires. En 1793, la constitution révolutionnaire française accorda la possibilité au peuple de décider lui-même des questions qui la préoccupent. Dans la pratique toutefois, la France prit un autre chemin que la Suisse. La terreur des jacobins répandit immédiatement l’idée révolutionnaire alors que le directorat qui a suivi à Paris ne s’y intéressa nullement. Napoléon Bonaparte, aussitôt devenu premier consul de la république utilisa le vote populaire dans un sens plébiscitaire : il décidait lui-même quand et sur quoi le peuple allait s’exprimer. Cette tradition imprègne la France jusqu’à nos jours et influence les affaires de l’UE. En Suisse, on assista à une autre compréhension du vote populaire comme un droit populaire et non pas comme plébiscite.

Le cours de l’histoire tourna dans une toute autre direction en 1802. Les souverains aristocrates, les patriciens avec leurs fidèles paysans allaient revenir aux affaires et graduellement reprendre leur pouvoir d’antan.

Notre prochaine station symbolise bien cette invasion des patriciens.

Randonneur urbain

(Traduction: Patrick Mbonyinshuti Aebersold)

La question permanente sur la justice

La Fontaine de la Justice.
Première étape de mon tour d’horizon de l’histoire de la démocratie suisse

Mes très vénérables invités !

Je vous salue et je vous souhaite la bienvenue à notre tour de ville aujourd’hui !

Dans ma profession principale je suis politologue et je m’occupe notamment de la démocratie directe. Toutefois, je suis aussi historien de formation et je me promène avec intérêt dans les ruelles de Berne et de quelques autres villes. Depuis un certain temps, j’invite des gens intéressés à m’accompagner dans ma marche. Aujourd’hui c’est vous !

Pour aujourd’hui, j’ai trois objectifs : Premièrement vous offrir un court tout d’horizon de la ville de Berne. Vous pourrez ainsi apprendre quelque chose de l’histoire contemporaine de cette ville, du canton ainsi que de la Suisse. Enfin, j’aimerais progressivement vous montrer comment on peut analyser le système politique suisse d’un point de vue politologique.

J’ai consciencieusement choisi cet endroit pour notre début de tour d’horizon. C’est la Fontaine de la Justice, elle se trouve dans la Rue de la Justice. Et elle symbolise d’ailleurs le plus grand thème de tous les temps : la perpétuelle quête de la justice.

La justice a sans doute à faire avec l’égalité, l’équilibre, le partage. Les politologues de nos jours disent : il y a la justice procédurale quand les processus politiques roulent conformément à la loi. Il y a la justice des échanges quand les processus du donner et du recevoir se font harmonieusement. Et enfin la justice distributive. Pour les uns c’est par exemple l’égalité des chances, pour les autres l’égalité des positions.

Les réponses qu’on donne à la quête de la justice dépendent des visions du monde que l’on a. Ces dernières sont imprégnées des cultures politiques de nos sociétés.

La plus grande recherche mondiale sur l’évolution culturelle sur le niveau international dit : les cultures politiques diffèrent essentiellement en deux dimensions :

En masse, par le fait que les valeurs traditionnelles et religieuses font place aux valeurs séculaires-rationnelles, et

En masse, en ce que la survie collective ou l’épanouissement individuel sont privilégiés.

La Suisse n’est pas championne dans ces changements de valeur mais clairement parmi les pays les plus avancés dans ce processus. Sa culture est clairement séculaire-rationnelle et imprégnée d’un individualisme prononcé.

Plus concrètement ça veut dire qu’aujourd’hui le fait d’élire et de voter n’est plus un acte de manifestation d’une souveraineté nationale suisse mais plutôt l’expression des convictions personnelles qui devraient trouver leur accomplissement dans la volonté collective des autorités. Le style politique actuel est dépourvu de toute revendication religieuse. Il est par contre clairement orienté vers le bien-être économique de la collectivité.

Ça n’a pas toujours été ainsi !

La politique culturelle de la Suisse a ses origines dans des conflits lointains et profonds. Ses origines ont été marquées par les rivalités régionales, par les frictions entre centre et périphérie, entre villes et campagnes, entre le catholicisme et le protestantisme, entre les langues germaniques et romanes ainsi qu’entre les idéologies politiques. Après des phases de guerre civile, on a toujours recherché et trouvé l’équilibre. C’est pourquoi en Suisse domine un esprit de concordance, lequel sert à préserver la paix intérieure.

Avec cette évolution, la discordance n’a pourtant pas disparu. C’est ainsi que toutes les fontaines à Berne symbolisent une de ces discordances : la réforme. Elle a été introduite à Zürich par Huldrich Zwingli en 1525 et à Berne, le gouvernement de 1528 l’implémenta grâce à une décision politique. Berne, une ville catholique avec une affinité prononcée pour le Pape, devint ainsi très rapidement le centre de la réforme. C’est ce même gouvernement bernois qui permit à Calvin de quitter Bâle pour Genève, d’où le calvinisme se répandit dans le monde.

Cette évolution eut des conséquences jusque dans l’expression artistique. Les arts se firent rares dans la ville de Berne qui avait été fondée par le duc souabe de Zahringen en 1191. La ville de Berne désormais réformée engagea alors Hans Gieng, un artiste de la ville voisine de Fribourg (qui était restée catholique), pour sculpter la plupart des fontaines qu’on peut encore admirer aujourd’hui.

Hans Gieng ne put rester indifférent au thème le plus brûlant de son temps. Il illustra sur cette fontaine non seulement la justice mais aussi les portraits des quatre Grands de son temps :

Le pape, à l’époque Pie III, qui, avec le concile de Trente, lança la contre-réforme,

L’empereur, à l’époque Charles V, qui avait érigé un énorme empire catholique sur terre,

Le Sultan Souleymane Premier appelé le Magnifique qui envisageait de conquérir la Vienne chrétienne,

Le roi Ferdinand Premier, le frère de l’empereur, qui régnait sur la Bohème et la Hongrie et qui s’illustra comme grand ennemi des ottomans.

Détail piquant : Hans Gieng représenta ces théocrates, monarques et despotes les yeux fermés sur la fontaine. Il les voyait tous fermer les yeux sur les injustices perpétrées sous leur règne. Il fit de même pour son portrait de la justice. Pour cette dernière toutefois pour une autre raison : le rôle de la justice est de fermer les yeux quand la loi décide.

La justice portrayée sur cette fontaine de la « ruelle de la justice » n’a pas toujours régné dans la ville. Jusqu’à ce moment, l’avoyer, qui était à la fois politicien, le souverain et le juge, régnait d’une main ferme et despotique. Ce qui contribua à sa propre ruine.

Où cela se passa, je vous raconte à notre prochaine station.

Randonneur urbain

(Traduction: Patrick Mbonyinshuti Aebersold)

petite histoire de la démocratie suisse

am mittwoch debattiert das parlament den gpk-bericht und den umgang dazu. je nachdem, was dabei herauskommt, wird das wohl der höhe- oder tiefpunkt des wahlkampfes 2007 sein. für die einen ist die stunde der klärung oder der abrechnung; für die anderen ist es jetzt schon das ende der konkordanz. dramatik pur steht also an!


stationen meiner demokratietour für die oecd-delegation vom mittwoch (fotos: stadtwanderer, anclickbar)

genau an diesem tag findet auch meine prominenteste stadtwanderung im wahljahr 2007 statt: eine weltweit zusammengestellte delegation der oecd weilt in der schweiz, um eine tagung zum regierungssystem der schweiz im internationalen vergleich abzuhalten. und ich werde im rahmenprogramm dazu meine stadtwanderung zur demokratietour machen.

die tour wird auf französisch und englisch sein. das tut gut, denn so muss man sich nicht nur überlegen, was sache ist aus ausländischer sicht, sondern auch, wie die begriffe in anderen sprachen heissen und vor welchem hintergrund sie tönen.

da zahlreiche werte des politischen systems der schweiz durchaus französisch-revolutionären hintergrund haben, habe ich mich entschieden, die aktuelle fassung der demokratietour in der sprache rousseaus auf dem stadtwanderer zu veröffentlichen.


weitere stationen auf meiner demokratietour für die oecd-delegation vom mittwoch, wo das ende ist verate ich noch nicht! (fotos: stadtwanderer, anclickbar)

lesen sie also ab heute “la petite histoire de la démocratie suisse”, – eine kurzgeschichte in 7 stationen. die ersten sechs stationen sind bekannt, die siebte ist eine überraschung, wohl für fast alle! ich freue mich jetzt schon.

randonneur urbain

ps:
lange habe ich studiert, wegen der gross- und kleinschreibung auf französisch. schliess habe ich mich an die weisung des übersetzers, patrick mbonyinshuti äbersold gehalten.